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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

J'en ai marre des premières fois !!!

Phrase vie en natation synchronisée

J'aimerais tellement que tout soit bien installé. 35 ans, ça roule dans ton métier. Les pieds en éventail sur ton bureau, ta vie en chorégraphie, natation synchronisée. L'argent qui tombe du ciel comme des flocons de neige. Tu les regardes, tu les admires : les affiches de tes réussites placardées sur ton mur, juste en face. Tu les regardes, tu les admires, ton verre de Spritz à la main et tu soupires de satisfaction.

L'autre jour, je suis allée à une réunion, au Grütli, à Genève. J'adore cet endroit. C'était une rencontre avec des producteurs de spectacle belges. Je m'attendais à être dans le fond d'une salle, cachée parmi les spectateur, écouter, prendre des notes, éventuellement lever la main à un moment donné pour poser une question, reprendre mes notes, griffonner frénétiquement dans mon Bujo. Je suis arrivée un peu en retard. Ce n'était pas dans un amphi. Il n'y avait pas de scène. Pas de spectateur.ice.s. Pas de lumière tamisée sur l'audience. C'était autour d'une table. Ils.elles étaient peut-être 10 producteur.ice.s. Nous étions 3 porteuses de projets. "Euh, tu es qui, toi ?" Petit tour de table, présentation et la question fatidique : "Comment pouvons-nous vous accompagner ?" Eh merde, je m'attendais pas à ça ! Plutôt à : prends l'information, ne dis rien, observe, intègre et rentre chez toi comme tu es venue : incognito !

This is another game baby !

Heureusement, au début, une autre fille m'a couverte. Elle a pris la parole avant moi. J'ai attrapé un petit sablé, au milieu de la table. Je le croquais en écoutant les réponses. Elle a présenté son projet, le groupe lui a fait des feedbacks. Ca a duré quelques temps. Instant de répit. Puis ça a été mon tour. En vrai, je ne tremblais pas. Ils.elles étaient plutôt sympas ! J'ai pris la parole (il va falloir que tu t'habitues au jeu, baby !) : "Alors, j'ai écrit une pièce de théâtre. Voilà de quoi elle parle. Je l'ai montée avec mes fonds propres. Non, je n'avais pas de producteur.ice ou de partenaire. Oui, j'ai fait une première dans un lieu. J'ai réussi à la financer avec un crowdfunding. Et là, j'aimerais savoir comment je peux la diffuser."

“Bug dans le système.

This is not the correct way.”

Je répète :

“Bug dans le système.

This is not the correct way. "

"Normalement", me répond-on (mais avec "full" bienveillance, comme dirait ma copine Miel qui a vécu à Montréal), tu commences par trouver un.e partenaire qui est ok pour te diffuser, puis tu montes ton projet, tu fais des demandes de subvention pour la création, d'abord, puis pour ta tournée. Donc... (ils.elles réfléchissent). (ils.elles reprennent) Dans ton cas, tu as deux options..." Ils.elles continuent. Je prends des notes frénétiquement sur mon Bujo. J'écris l'option A, puis l'option B. "Et puis, si tu veux des subventions et diffuser en Suisse, il faut créer ta compagnie à Genève, mais c'est moins difficile qu'en France." Je prends note, je prends note, je prends note.

"Suis les conseils de ceux qui ont réussi avant toi, suis exactement leur plan et tu vas réussir."

Les paroles d'une coach me reviennent en tête. Alors j'écris le plan. J'écoute, je prends, je remercie. J'intègre les étapes. Je sors et je suis heureuse mais perdue face à cette montagne : pourquoi faut-il toujours que ce soit la première fois ???

Pourquoi faut-il toujours que ce soit la première fois ?

Première pièce, première résidence, première diffusion, première expo photo, premier ouvrage, premiers ateliers d'exploration, premier, première, première, premier, poireau, prunier, pommier. Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!! J'envie tellement ces metteur.ses en scène bien installés, ces acteur.ices qui ont un agent, ces gens qui font de la natation synchronisée dans leurs projets créatifs, tout roule, tout glisse sur l'eau calme. Pourquoi j'ai toujours tout à faire de 0 pour chaque projet ??? (quand je pense que j'aimerais aussi me lancer dans la musique... Mamamia quels chantiers !!!!)

Et qu'est ce que j'ai foutu jusqu'à maintenant ??? Le monstre Hélène a l'intérieur ne cesse de répéter : "Tu vois, tu as trop tardé avant d'aller sur ta voie, trop douté. Si tu avais été plus rapide, tu en serais déjà à ton 10ème spectacle à 35 ans, et tu serais connue dans le milieu, tu aurais un réseau, tu serais confirmée et blablabla. Et puis qu'est-ce qui t'a pris de déménager tous les quatre matins ??? T'étonnes pas qu'il y ait tout à refaire comme pour la première fois ! "

Heureusement, dans ces moments là j'entends aussi les paroles de ma copine Aurélie : "Mais tu as vécu plein d'expériences avant, c'est riche !" et de Julia Cameron :

"Ayez ceci présent à l’esprit : pour retrouver sa créativité, il faut avoir la volonté d’accepter d’être un mauvais artiste. Donnez-vous la permission d’être un débutant. En acceptant d’être un mauvais artiste, vous avez une chance de devenir un artiste et, peut-être avec du temps, un très bon artiste. Quand je traite ce point en cours, je rencontre immédiatement une hostilité défensive : « Mais savez-vous quel âge j’aurai quand je saurai vraiment jouer du piano/peindre/écrire une pièce de théâtre décente ? » Oui … vous aurez le même âge que si vous ne le faites pas. Donc, commencez."

Purée, c'est dur d'assumer ce truc d'être hors des clous, hors des sentiers. Non, je n'ai pas fait de formation dans un théâtre national, trace ta voie royale à la sortie de l'école avec une scénographie de ouf pour ta première création. Oui, j'ai douté, changé, essayé, testé, tout un tas d'expériences. J'aime trop de choses à la fois !!! Et j'ai envie de croire que cela fait ma richesse, mon unicité.

Là, je ressens que je dois faire face à une grosse peur : celle d'installer les choses, vraiment, de les poser, les assumer, les mener jusqu'au bout si je veux que ça prenne de l'ampleur.

Je dois me retrousser les manches pour creuser profondément dans la terre glaise (c'est l'image qui me vient, de la terre glaise, rouge comme les fois où j'ai fait des enduits). C'est bizarre, mais c'est comme si ça m'avait paru facile de faire la première de la pièce (ce qui est d'ailleurs faux, puisque j'ai failli renoncer) et que je pourrais arrêter là, trankilou. Parce que la diffuser, trouver les lieux, rencontrer d'autres artistes, faire ma place dans le milieu artistique (où j'ai l'impression à chaque fois de jouer à l'imposteur !), créer quelque chose sur du long terme me paraît tellement difficile !!! Cela me demande d'aller dans le dur, entamer un travail de fond qui demande de la persévérance et une foi encore plus grande en la vie, en mes projets.

Je vais accepter le challenge.

Jusqu'à maintenant, j'ai fait les choses à ma manière, avec ce qui me paraissait juste et les clés que j'avais en main.

Je vais continuer,

d'approfondir, de creuser, de sculpter, d'améliorer, encore et encore, avec tous les conseils que je vais collecter dans ma besace, toutes les belles âmes que je vais rencontrer sur ma route,

pour vraiment bien le faire,

pour vraiment bien le faire jusqu'au bout,

pour la première fois.

Jusqu'au prochain projet,

jusqu'à la prochaine première.