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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

Ceci est un grand jeu de piste

Ceci est un grand jeu de piste

“Ceci est un grand jeu de piste ! Joue-le !” Mon âme essaie de se frayer un chemin dans le labyrinthe de mon mental dramatico-rigido-flippé. Je me donnerais des baffes tellement je me trouve pathétique, me complaisant dans mon drame intérieur comme je sais si bien le faire. Mardi, de passage à l’Espace Enchanté, je pleurais à tout ce que je quitte à tout jamais, à tous les souvenirs gravés dans ce lieu. Comme un enfant arraché aux bras de sa mère, je sanglotais à l’idée de n’être plus rien sans mon cocon magique, ma matrice chaude et confortable d’où tant de choses ont pu naître cette dernière année. Je me lamentais auprès de mes amies : “Je ne sais pas si je fais le bon choix. Je suis perdue. Je ne rentre dans aucune case. Je ne vaux rien. Je ne sais pas encore quoi faire de mon CV foutraque et mes expériences “loufoques” (comme dirait mon père). J’ai l’impression que nulle part ailleurs qu’ici on accueillera mon originalité, mon décalage, mes imperfections.”

J’ai l’impression de revivre encore et toujours au collège. Combien de temps vais-je restée bloquée dans le couloir aux casiers bleus ? Après la 5ème, Genève devient la cours aux platanes peuplés d’étourneaux. La tête enfoncée dans mon sweat à capuche je fais attention à ne pas été trop différente pour éviter que l’on me tire dessus avec un lance-roquettes. Le self devient la ville au grand jet d’eau. Les collégiens : les autres artistes meilleurs que moi parce qu’ils ont fait La Manufacture de Lausanne (une formation tellement canon !). Je dois prouver quelque chose à chaque pas, comme si être moi ne suffisait pas. Jusqu’à quand vais-je continuer à jouer cette pièce grotesque ? Cela va-t-il me poursuivre toute ma vie ?

La semaine dernière, pendant mon stage de théâtre, je me suis revue, la même qu’il y’a 22 ans, dans le bus scolaire, quand la fille assise sur le siège derrière moi murmurait à sa copine “Tu sais, elle n’a même pas de frigo chez elle !” La honte. Me cacher, glisser dans le bus, sous le bus, fondre dans le goudron chaud. “Ah ah c’est à toi ce livre ? “ m’a demandé un des participant au stage en regardant le titre d’un air moqueur “Affirme ton chelou ou comment créer un business en étant toi”. Il a pris en photo la couverture, comme un animal bizarre. C’est vrai que ça ne va pas avec le théâtre, "le grand théâtre", ce genre de livres et je regrette de l’avoir laissé dépasser de mon sac. J’ai honte, alors que ça aussi c’est moi : je suis une théâtreuse qui kiffe le développement personnel, le coaching, qui aimerait peut-être un moment monter un business sur le web, YouTube ou que sais-je, qui croît à la loi de l’attraction et à l’existence de l’âme, a déjà communiqué avec des animaux, et danse la kizomba avec son père, aime la musique country, écouter des mantras et même parfois Rihanna (liste non exhaustive).

Le dernier jour du stage, sur la terrasse autour d'une bière quelqu'un est revenu à la charge en posant la question "Mais il te plaît, ce livre ?". Ce à quoi (et j'en suis fière), j'ai répondu “oui, j’adore !”. Quand on m’a demandé ce que je voulais monter comme business (le business ne va pas avec l’artistique généralement) j’ai répondu que j'allais me lancer dans la production de chapeaux en carton en forme de pieuvres (compostables, évidemment). Suite à ma réponse, il n'y a pas eu de relance.

J’aimerais tellement être comme ces gens qui assument leur originalité avec détachement sans peur du jugement. Je n’en suis pas encore. Mais la petite voix, l'autre jour, m’a murmurée “Ceci est un grand jeu de piste : joue-le !”.

Dans les moments de répit, entre les larmes, je m’y remets petit à petit. Je guette les signes sur ma route. En quittant l’Espace Enchanté pour donner mes ateliers théâtre à Nyon j’avais l’impression de traîner un gros boulet au pied. La vie me paraissait lourde et terne... Une fois à l’embarcadère d’Yvoire, j’ai contemplé les vagues, en plein soleil. Le parfum de l’aventure revenait à mes narines et j’ai souri. Sur le pont, j’ai contemplé le château qui diminuait à mesure que le bateau avançait, les grosses vagues sur le lac bleu, le Mont Blanc qui brillait au soleil. Une fois sur l’autre rive, je suis tombée sur une petite boutique de pierres. J’ai traduit la signification des minéraux pour un couple de dubaïotes originaires d’Inde et nous nous sommes mis à parler ensemble. Cela m’a dépaysée. Puis, j’ai trouvé ma pierre du moment : une howlite. À peine dans ma main, un grand calme ma envahie. Outre la première explication “Pierre extrêmement calmante, elle enseigne la patience et aide à éliminer la colère incontrôlée” il était écrit “Appelle à la légèreté et au jeu. Permet de lâcher le mental et “jouer” avec les marbrures, juste pour se laisser émerveiller “. Parfait, voici les premiers indices. I am on my way.

Face au lac, ma pierre blanche marbrée autour du cou, j’entends la petite voix répéter “Ceci est un grand jeu de piste, joue le !”. Mon aventure reprend chaque jour, à chaque pas, et je peux traverser le self avec mon sac multicolore rempli de badges plus incongrus les uns que les autres, un chapeau de cow-boy sur la tête, un pantalon léopard tombant sur mes tennis constellées d’étoiles. Je ne suis plus au collège et je veux assumer ma bizarrerie, mon chelou, pour jouer mon jeu de pistes et continuer de voir où il va me mener...

Photo : Alex Ferrini