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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

Voter et la théorie du gruyère

Pour la première fois depuis de nombreuses années je vais voter. Je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé. C’est arrivé comme ça, au dernier moment, il y a trois jours. J’ai vite tapé « procuration » sur internet, ai contacté un ami pour qu’il vote pour moi et suis passée à la gendarmerie pour valider mon identité. C’était simple, rapide, efficace.

En vérité, je n’ai rien suivi de la campagne. Je voyais surgir ça est là des gros titres des journaux quand je passais dans les kiosques des gares en transit. Je saisissais quelques paroles au vol «ah tu sais Zemmour blablabla ». Depuis quelques semaines j’ai vu pousser des panneaux dans les villages. Certains portraits déchirés. Un matin, il y a quelques jours, par curiosité, j’ai regardé les estimations de vote pour les élections. Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais : Marine Le Pen et Emmanuel Macron, vraiment ? On en est encore là ??? J’ai eu une sorte de sursaut.

Pourtant, cela fait longtemps que tout cela ne m’intéresse pas, ne m’intéresse plus. Quand j’étais plus jeune, je me souviens suivre les élections comme une série Netflix, suspendue aux débats, aux sondages. J’étudiais les programmes, les partis… Avec mon père, nous débattions. C’était excitant. Mais ça ne me paraît plus juste. Comme si cela nourrissait un état frénétique basé sur des projections, des postures qui doivent toujours être contre, des discours de langue de bois. Je n’apprécie plus l’excitation des débats d’idées. Tellement mental et détaché du réel. J’ai tendance à les éviter. Je préfère les discussions intimes où l’on parle en « je », cela m’apporte beaucoup plus.

Je ne crois plus à notre démocratie (y ai-je cru un jour ?) et à nos structures médiatiques. Tous ces grands médias à l’affût de n’importe quel élément choc qui pourra faire monter l’audimat, ça me dégoûte. Depuis que j’ai lu Les petits soldats du journalisme et fait du management des médias, je ne vois aucun intérêt à les suivre. Il en est de même pour les politiques. Tranquillement assis dans leur salon doré ils jouent leur jeu d’échec en petit comité : « Tu as voté pour moi, alors maintenant danse comme un pantin selon mon bon vouloir ! ». Je suis exaspérée par ce « pouvoir sur » comme dirait Starhawk, que l’on voit dans nos structures politiques, sociales, scolaires, au travail, en famille. Une posture basée sur la domination du vivant, sur un pouvoir venant d’en haut, sur la punition, la menace. Je suis exaspérée que la politique et les plupart des structures de pouvoir soient aux mains d’hommes blancs de plus de 50 ans (il faudra que j’écrive là-dessus d’ailleurs). Je crois au « pouvoir du dedans », qui émane de chaque individu et à la création collective de nos réalités (d’ailleurs j’ai envie de partager des extraits de Rêver l’obscur, de Starhawk, tellement cela me parle).

En voyant petit à petit mes idées de démocratie se désintégrer, j’ai décidé de ne plus donner aucun intérêt aux politiques, aucune petite bribe de mon énergie. J’ai mieux à faire. J’ai décidé de me concentrer sur ce qui m’intéressait vraiment : les tentatives pour créer autre chose, expérimenter de nouveaux modes de vie, de gouvernance, de communication, de reliance, d’éducation. J’ai décidé de nourrir les possibles qui prennent en compte l’état de la planète, du vivant, plus que celui des virus et des multinationales.

J’ai toujours évité de dire que je ne votais pas, ou juste aux personnes qui faisaient comme moi car j’avais l’habitude des mêmes réactions : « Quand même, par rapport à d’autres pays, on a de la chance ! » ou « Le droit de vote des femmes a été durement acquis, et tu ne votes pas ??? » et encore « Si tout le monde fais comme toi, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait une montée des extrêmes ! » etc. etc. Cela me fait sourire de voir les mêmes réactions aux mêmes questions (et on ne se croit pas conditionnés).

Je crois à la théorie du gruyère. Même si l’on a l’impression que le système ne change pas en haut, il se craquelle de toutes parts. Cela ne se voit pas de manière flagrante, mais je crois que nous sommes à la fin d’une démocratie de pacotille, d’un mode d’éducation défaillant, d’un système capitaliste à bout de souffle qui met la planète en danger. Le bateau prend l’eau mais on continue à faire comme si de rien n’était. Même s’il y a encore un gruyère apparent, de plus de plus de trous se forment dans le fromage. Des petites souris le croquent, il s’émiette. Dans l’ombre des placards, de nouveaux modèles se créent. Les chats continuent de danser sur les restes : il faut profiter du fromage tant qu’il y en a ! Pour moi, le changement ne vient pas d’en haut. Il vient de nous, petites souris qui nous autorisons à tout requestionner, à partager nos tribunes, à construire nos visions du monde et surtout à les expérimenter. Je crois à un changement qui émane de nos expériences. Si je veux changer le monde, je commence par vivre mes grands idéaux à petite échelle. Et c’est pas du gâteau ! Expérimenter la gouvernance horizontale avec d’autres humains, c’est dur, ça met au défi, ça demande de prendre sur soi, de se remettre en question, continuellement, de voir en face tous les conditionnements que l'on a et de constater qu'on a peut-être pas les solutions aux problèmes... De regarder notre impuissance en face.

Voilà, je ne sais pas trop pourquoi, mais cette fois, je vais voter. Et vous vous direz que c’est complètement contradictoire par rapport à ce que je viens de dire. Ah ah ah, je ris de moi-même.. J'apprends à aimer mes contradictions, tellement ! Je peux juste dire que c’est ce qui est présent en moi. En y réfléchissant tout à l’heure, près du lac, en regardant des commentaires sur facebook, je me rétractais. « Ahhhh tout cela a t’il un sens ? Voter ? Publier ce post ??? Bablabla ». Je me mettais à prendre au sérieux tous ces avis, ces considérations. Je commençais à me crisper sur le sujet, à avoir peur. La conclusion que j’en ai tiré, à ce moment là, en écrivant mes pages du matin, c’est que tout ceci n’est qu’un grand jeu. Je veux jouer. Aujourd’hui, j’ai envie de sortir une nouvelle carte. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai envie. Je veux voir ce que ça fait, là, si je change ma manière de faire, si je vote. Je n’y mets pas grand espoir, mais plutôt de la surprise, de l’étonnement. Je ne crois pas que tout ceci va changer le monde. Je sais que, pour moi, l’essentiel se joue ailleurs que dans mon bulletin. L’essentiel se joue dans mes choix quotidiens, ce dans quoi je mets mon énergie, comment je m’empare de ma réalité et comment j’essaie de la réinventer. Par contre, là, j’ai envie de voter. Et je ne dirais rien sur les abstentionnistes, car je les comprends. Tellement.