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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

Je suis l'arbre mort

Je suis l'arbre mort.

Au début du mois d'avril, j'ai fait mon tirage rituel, celui qui me donnera la tonalité du mois à venir. Assise sur mon lit mezzanine, ma petite lumière allumée, j'ai étalé les cartes du tarot "Féminitude" sur mon matelas, ai promené mon regard de droite à gauche, de gauche à droite et ai saisi une lame. Je l'ai retournée. Et là, j'ai eu un sursaut ! Face à moi : un arbre dépouillé, des couleurs fades, du noir, du vert foncé. Et dessous, écrit : l'Arbre Mort. L'Arbre Mort ? Génial, quelle jolie carte pour ce mois... (je souris amère) Pourquoi est-ce que je pioche L'Arbre Mort après cette période d'intense éclosion ??? Ne pourrais-je pas continuer sur ma lancée ? Mon expo photo, la sortie de mon ouvrage, ma folle vente aux enchères, j'étais bien partie, pourtant...

"Il fallait s'y attendre." me dit drama queen. "Tu sais bien que tu ne peux pas rester comme ça, tout en haut ! A un moment donné, tu dois dégringoler, descendre le toboggan et te prendre une bonne vague en pleine figure. C'est comme ça. Les jours de gloire sont toujours suivis d'une dépression intense."

Princesse dénis prends la suite : "Ah ben non, je ne me sens pas morte du tout. Tout éclot ! Je ne vais pas m'arrêter là ! Je vais continuer, enchaîner, tout gérer, tout honorer, foncer dans le tas comme un taureau ! Je peux tout faire, je suis super forte, je suis la vie, je suis puissante !!! "

Ni drama queen ni princesse dénis n'arrivent à me convaincre. Je ne comprends pas le message, je ne veux pas le voir, alors je remets vite la carte dans le tas et éteins la lumière, bougon. Je reste quelques instants raide comme un I sous mon drap. Je rallume la lampe, saisis le jeu et m'apprête à re-piocher une carte. Je me ravise.

_"Hélène ça t'est déjà arrivé. Tu sais bien que ton inconscient a choisi la carte. Bientôt tu y trouveras un sens".

_"Blablabla, merci maître Yoda, mais là, tu me saoules !"

J'éteins la lumière, rabats la couette sur moi, laisse dormir ma carte et la suis dans le sommeil.

Deux semaines passent.

Je ne sais pas si ce sont mes règles, l'énergie de la pleine lune, ou Pâques, ou les trois (cocktail molotov +++), mais les choses deviennent plus claires en ce week-end pascal. Le vendredi, j'avais déjà prévu de me réunir avec moi-même et faire un gros point au milieu d'une feuille de papier pour revoir mes priorités. Depuis plus d'un mois, même si tout est très exaltant, je suis sous l'eau et je n'arrive pas à sortir la tête. En mode pilote automatique j'enchaîne les actions, les créations, les stages. Je ne sais plus ce qui est important. J'ai besoin de prendre de la hauteur, de faire du tri. Samedi, je prends donc mes papiers, mes feutres et réalise mon bilan au soleil. Rien n'en ressort d'exceptionnel. Dimanche je me sens patraque, déprimée. Lundi de Pâques, les nuages intérieurs affluent. Le matin, je reçois un message d'une maman qui me dit que son fils ne peut plus participer au stage que j'organise la deuxième semaine des vacances. Je stresse. Je m'arrête. Je respire. Je prends la voiture et rejoins les ami.e.s sur la pelouse. Je fais la chasse aux œufs mais je ne suis pas dans mon assiette. Pourtant, je suis posée dans l'herbe au soleil, en bonne compagnie et je mange du chocolat. Mais je stresse. Je stresse parce que mardi je démarre une semaine d'animation à Genève, un camp pour enfants. Je stresse parce que je ne sais pas si je dois maintenir ce stage de théâtre impro ou pas. Je rage qu'une famille annule à la dernière minute. Je soupire d'organiser des choses et voir que ça ne porte pas ses fruits. Je me dis que je veux tout arrêter. Dans le jardin, je ne suis pas vraiment là. Alors je rentre chez moi pour préparer le camp du lendemain. Le soir, je n'arrive pas à dormir. Ça me fatigue de préparer des animations, d'anticiper le programme, ça ne me met pas en joie. Une boule de neige grise semble grossir en moi au fur et à mesure des jours. Elle dévale la pente. Le mardi, j'arrive au camp fatiguée, mais je m'en sors bien. J'arrive à gérer. J'arrive toujours à gérer ! (mais à quel prix ?).

Le mardi soir, la boule de neige heurte un arbre et éclate. Je m'effondre. Les larmes coulent. Cascades. Cela ne vibre plus. CELA NE VIBRE PLUS. L'animation m'épuise. Je n'y trouve plus de sens. Je prépare les animations à reculons. Mon envie n'est plus là. Mon élan n'est plus là. CELA NE VIBRE PLUS.

Je ne peux plus faire de choses qui ne me font pas vibrer à fond. C'est trop douloureux.

Je dois décoller mon étiquette d'animatrice, la poser par terre et lui dire au revoir. Mais j'ai peur. Quelle solution financière vais-je donc trouver maintenant, moi qui m'imaginais passer la moitié de mon été en animation, et arriver en septembre le compte en banque bien rempli ?

Je ne peux pas faire autrement que de lâcher prise, me dire qu'autre chose m'attend. Plus j'avance, moins je peux me mentir à moi-même. Je ressens de plus en plus vite si les choses sont justes pour moi ou pas. Parfois, je refuse d'y croire : parce que j'ai peur de déplaire, de faire face aux changements que cela va provoquer, à l'inconnu dans lequel je vais plonger, parce que je suis super forte pour me convaincre que j'en suis capable "contre vents et marées". Au pied du mur pourtant, je réalise que je ne suis pas wonderwoman. Je ne peux pas sauver le monde en faisant des choses à moitié. Sinon mon énergie est perdue. Et ce n'est bon pour personne.

J'ai tout de même honoré ma semaine d'animation. J'ai pris beaucoup de plaisir à dégringoler des toboggans gonflables, à regarder les enfants chercher les œufs dans le parc, à les écouter me raconter leurs petites histoires, à les consoler. Je me suis vue plus confiante, plus sereine à installer un cadre, j'ai constaté que le bâton de parole fonctionnait bien. Tant de choses qui me disent "Tu vois, tu peux quand même le faire..." Mais au fond, je ressens que ce n'est plus pour moi. C'était mon ancien moi : Hélène, l'animatrice. C'était confortable. C'était la solution de facilité.

Je dois aller vers ce qui me rend pleinement vivante, me fait vibrer et me fait peur à la fois : la création, le théâtre, l'entrepreneuriat. Et je dois y aller à 100%.

Avec ce premier deuil, celui du stage de théâtre ados s'est révélé aussi. Je l'ai annulé. Puis un autre deuil est apparu. J'ai encore peur de l'assumer, mais je ne peux plus faire autrement. Je suis à la fois triste et soulagée. Triste de réaliser que quelque chose s'éteint. Comme une petite mort. Ce n'est plus moi. Qui suis-je alors ? Une partie de moi fait sa victime et pleure, alors que l'autre commence à briller tranquillement, confiante.

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Aujourd'hui il pleut. Devant ma fenêtre, je regarde l'arbre en face qui a été taillé la semaine dernière. Il a un air triste. L'arbre, c'est moi. Je dois élaguer, tailler certaines branches qui m'encombrent, pour laisser entrer le soleil, pour pousser plus droit, pour me déployer pleinement dans toute ma beauté. J'aspire à me laisser guider par mon flow. De quoi ai-je envie maintenant ? Ma vie a lieu en cet instant. Pas demain ! Alors, voilà mon plus grand défi : écouter mon cœur à chaque minute et honorer cet appel. C'est ma meilleure façon de contribuer au monde.

Je suis l'arbre mort.

Je me laisse me dépouiller, pour replonger mes racines profondément dans le sol et y puiser toute l'énergie dont j'ai besoin pour vivre un nouveau printemps et éclore, encore plus belle.


Extrait du commentaire de la lame du tarot IX L'arbre Mort, du Tarot Féminitude de Monique Grande, illustré par Myrrha :

"Nous avons tous rendez-vous avec l'Arbre Mort chaque fois qu'il nous faut tailler, élaguer, arracher les mauvaises herbes qui étouffent notre souffle de vie. Quand nous nous apercevons que nous sommes au mauvais endroit, ou que nous avons fait de mauvais choix, nous sommes poussés aux côtés de l'Arbre Mort pour intégrer nos deuils personnels."