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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

Traversée du désert

Traversée du désert.


Avoir soif mais ne pas trouver l’eau. Asséchée de toutes parts. Un tas d’ossements sous le soleil, balayé par le vent. Ma peau, maigre. Bientôt je serai moi aussi sable, grain perdu parmi les grains. Le soleil me fait mal. La nuit, je m’écroule et la lune vient me soulager un peu. Son hâle blanc semble calmer ma peau meurtrie.

Traversée du désert. Depuis combien de jours est-ce que je marche comme ça ? Mes pieds nus me brûlent. Mais je dois avancer. J’entends les voix. Le vent les porte jusqu’à mes oreilles « On ne doit jamais s’arrêter. Le monde avance, tu dois avancer avec, suivre le monde en marche. » J’ai l’impression qu’un rouleau compresseur me poursuit, prêt à m’écraser si je m’arrête. Je continue ma marche, péniblement.

Je veux m’arrêter, m’enfouir dans le sable, et me réveiller serpent, au temps où l’homme n’était pas encore là, ou quand il ne le sera plus. Me glisser sur les dunes, laisser mon ondulation dessiner des vagues éphémères dans le paysage infini. Contempler le ciel immense, avec toutes les étoiles plus lumineuses les unes que les autres.

Mais non, une main invisible me pousse, me bouscule. Et je dois avancer. Traversée du désert. Le bruit des sacs en plastique qui claquent dans le vent. Bleu, verts, blancs. Le désert devenu plastique. Je n’ai plus d’oasis. Je la cherche désespérément. Je cherche le vert de la mousse qui m’accueillera. Me plonger dans les feuilles, me glisser dans les souches et murmurer mes songes au creux des chênes, caresser leur écorce et me laisser tatouer leurs motifs sur ma peau. Respirer le chant du milan perché tout là-haut, m’élever à sa manière, au-dessus de tout.

Traversée du désert. Me regarder avancer avec mes yeux perçant en tournoyant autour de moi. Me laisser murmurer : « Ton oasis est proche. Ce sont tes pas qui paraissent lents et lourds. Tu n’en as plus pour longtemps. » Le milan ajoute. « Ecoute et ressens : ton oasis, la fraicheur de l’eau et l’ombre des feuilles. Ferme les yeux et ressens là. » J’ai de la peine. J’ai trop chaud. Je suis épuisée. Je tombe à genoux. Je ferme les yeux.

Soudain, je tends ma main en arrière.

« Rouleau compresseur, arrête-toi. »

Il s’arrête. Je n’avais donc qu’à le lui demander ? Je respire. Je respire. J’attends. Rien ne se passe. Je me suis arrêtée. Ai-je arrêté la marche du monde ? A vrai dire, cela ne me concerne plus.

C’est alors qu’une petite goutte se met à perler sur mon front. Je la laisse couler le long de mon nez, parvenir à ma bouche. Je sors ma langue et l’attrape doucement. Le milan continue de tournoyer et me murmurer

« Ressens maintenant la fraîcheur de l’eau sur ta peau. Les gouttelettes te caresser, et pénétrer tes pores pour hydrater ton cœur et tes poumons. Tu n’es plus très loin. Bientôt tu vas pouvoir tout laver, tout hydrater, tout rincer. Tu seras neuve. Mais n’oublie jamais le désert, garde toujours de petits grains de sable dans tes oreilles, pour te souvenir de ta traversée. Tu seras tentée de l’oublier. Mais c’est elle qui te fait être celle que tu seras. Ne l’oublie jamais. N’oublie jamais le serpent à l’intérieur de toi. Et contemple les étoiles quand la nuit tombe, où que tu sois.

J’ai repris ma route sous le soleil harassant. J’ai ralenti le rythme de mes pas, puisque plus rien ne me poussait. Etrangement, en ralentissant, j’ai eu la sensation de m’approcher toujours plus vite de mon oasis. Je pouvais déjà humer la terre mouillée. Pourtant, l’horizon me paraissait toujours aussi vide et infini. Mais au fond de moi, je savais que je n’étais plus très loin.