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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

Je suis une page blanche

Je suis une page blanche

Je suis une page blanche, immaculée.

De la neige qui vient de tomber.

Je ne suis rien. Je suis le vide.

Depuis ma première, j'ai l'impression de nager dans un océan vide.

Âme perdue, sur mon radeau, j'erre sur l'eau à la recherche d'un horizon.

J'allume un petit feu. Sur mon radeau, qui erre sur la mer, j'allume un petit feu.

"Je ne sais plus qui je suis et pourquoi je suis là". Une tirade de ma pièce me revient. Les idées se bousculent dans ma tête. Chacune essaie de me sauver à sa manière. Je ne suis pas sûre que ce soit la bonne chose. Comme du sable qui se dépose au fond de l'océan, je veux attendre que l'eau soit plus clair et plonger pour trouver mon trésor. Je demande des avis, écoute des podcasts, des coachs. Mais j'ai envie de crier "silence !". Je crois qu'écouter les voix me rassure, mais elles m'éloignent de moi.

J'allume un petit feu. Sur mon radeau qui erre sur la mer, j'allume un petit feu à l'intérieur de moi.

Je voudrais enchaîner les projets, ne jamais m'arrêter, toujours savoir quoi faire. Je rêve d'un agenda booké sur cinq ans, me laisser guider sans réfléchir par mon agent.e. Passer d'un endroit à l'autre, tant de projets en tête, tant d'actions, tant d'importance. "Désolée, je suis occupée, je dois partir à l'autre bout de la France puis prendre l'avion pour San Francisco. Là-bas on m'attend, mon nom en lettres en doré sur un écran qui clignote avec mon sourire colgate." Je voudrais me coller une étiquette sur le T-shirt : "Je suis comédienne. J'ai réalisé toute petite ce que je voulais faire. J'ai joué avec Peter Brook, Stanislavski, et aux côtés de Lénoardo di Caprio, dans une pièce sur le réchauffement climatique, sur un iceberg en antarctique." J'ai l'impression que rien n'est suffisant, que mon trajet en dent de scies ne me permet pas de pouvoir dire que je suis comédienne, parce que je n'ai créé qu'une seule pièce que j'ai joué une fois. "Je fais de la photo aussi, j'ai écrit des chansons, et des nouvelles.". Je ne sais pas comment me définir. J'aimerais une étiquette claire et net et un speech bien rodé que je peux balancer à chaque fois qu'on me pose la question "et toi, tu fais quoi dans la vie ?".

"Mais si tu regardes au fond du verre, quand le sable se dépose, es-tu sûre que c'est ce dont tu as vraiment envie ?"

J'allume un petit feu. Sur mon radeau, qui erre sur la mer, j'allume un petit feu.

Hier soir, en parlant avec M. au téléphone, je lui ai demandé comment il faisait pour se définir, puisqu'il n'a pas vraiment d'emploi au sens classique du terme. Il m'a dit "J'invente à chaque fois quelque chose de nouveau. L'autre jour, quand j'étais en train d'entretenir le jardin, un passant m'a demandé ce que je faisais. Je lui ai répondu que j'étais paysagiste. Une autre fois, à un autre, je lui ai répondu que je faisais ça pour le plaisir. Je n'aime pas l'idée d'être une étiquette, fixe. Je n'arrête pas de changer !" En lui disant comme je me sens perdue, je lui ai redemandé comment il fait avec les grands moments de vide en lui. Il m'a répondu qu'il reste dans le vide, attend, puis, un jour, quelque chose lui vient.

M'autoriser à être une page blanche, un grand vide, me soulage. Sur l'étiquette accolée à mon t-shirt, il n'y a rien d'écrit. L'idée d'une encre magique qui pourrait imprimer un nom, le faire disparaître, en réimprimer un autre, me plaît. L'idée d'être une page blanche me permet de tout lâcher : les projets, les attentes, les idées qui se bousculent dans ma tête comme un embouteillage aux heures de pointe.

Je suis une page blanche. Je déshabille mon ego. Tout nu, il n'est plus rien. Je ne suis plus rien. Cela me soulage, comme l'idée d'être au service de quelque chose de plus grand que moi. Quelque chose de plus grand qui s'en fiche complètement de l'étiquette, des projets et du blablabla. Quelque chose de plus grand qui souhaite juste que j'offre au monde le meilleur de moi, que j'honore les idées qui me traversent et basta. Je réalise que pendant deux ans j'ai été au service de ma pièce. J'ai honoré l'idée, j'ai réalisé mon engagement. J'ai honoré le contrat. Maintenant, je suis ouverte à la prochaine idée. Peu importe qu'elle me définisse ou pas.

Seule, sur mon radeau qui erre sur la mer, j'allume un petit feu.

J'ouvre grand mes bras vers le ciel.

Je suis à TON SERVICE, toi, plus grand que moi.

Je vais attendre, les yeux fermés, ton appel, ton message.

Puis, je hisserai ma voile jusqu'à la prochaine destination.

Mais pour l'instant, sur mon radeau qui erre sur la mer, j'ai allumé un petit feu, et je le contemple.