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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

I am such... a crazy chicken

I am such a crazy chicken Hélène Marquer

2020, quelque part dans le Vercors.

"Jérémy, j'ai envie d'écrire une pièce. Mais ce sera une pièce triste, je crois."

"Ben, c'est pas grave. Ça a pas besoin d'être un truc joyeux."

"Mais moi, je voulais faire un one woman show, un truc drôle à la Florence Foresti !"

"C'est raté ma craquote ! Ta pièce commence par une scène aux soins palliatifs, parle de ta mère qui pète les plombs et de ta grand-mère qui meurt d'un cancer. "

Et alors ? Où est le problème ? Je l'aime, mon spectacle. C'est comme ça. Mes obsessions sont mes obsessions.

J'ai toujours voulu fuir ma mère, reléguer au placard la faiblesse d'être dépressive, sensible, faible. Je voulais déserter les hôpitaux qui puent la mort. Au final, j'ai tourné mon documentaire de fin d'études dans un service de soins palliatifs après avoir visité un crématorium et assisté à des enterrements d'inconnues. Et j'ai aimé ça.

Il y a quelques semaines, après avoir eu beaucoup de plaisir dans la rue en jouant une chercheuse de bonheur, j'ai ressenti le besoin de faire une pause, retrouver du temps pour écrire et voir ce qui allait émerger. Il y avait quelque chose à reprendre.

2023, quelque part en Haute-Savoie :

"Un moment, j'ai accepté d'être creepy" me dit Jérémy. Tous les deux posés dans mon salon, nous buvons à petites gorgées notre soupe à la lumière du chandelier. Cherchant quelque chose au-delà des des vapeurs de potimarron, je pense aux paroles d'Isabelle : "De toutes façons tu es déjà déviante, alors à quoi bon essayer d'être autre chose ? Assume-le à fond !". Dans les repas de famille, je me sens souvent à côté de la plaque entre les témoignages de boulot des un.e.s et des autres et les investissements immobiliers. J'aurais envie de faire caméléon, mais je n'y suis pas, c'est clair. Mes aspirations ne sont pas là. Elles se logent dans le boîtier de mon réflex, sur le clavier de mon ordinateur, parfois dans une salle noire.

Le week-end dernier, j'ai pris rendez-vous avec moi-même sur mon nouveau bureau. Thé avec moi-même, compote maison avec moi-même, interview avec moi-même. J'ai saisi mon micro en mousse :

_"Alors chère Hélène, pouvez-vous nous dire quelles sont vos nouvelles envies créatives ?".

_"Euh... (grand vide, je ne sais pas quoi répondre) euh... (des images arrivent en tête) euh (oh non, pas encore ça ?) euh... ("et si ma belle, ça revient...")"

J'ai ouvert YouTube et j'ai tapé "pleureuse". Un samedi soir, je mes suis mise à regarder des vidéos de lamentations de femmes kurdes, de rites funéraires des Pouilles et des reportages de la RTS montrant des processions de femmes tout de noir vêtues dans la rue d'un petit village suisse du canton de Fribourg un vendredi saint. This is my saturday night fever.

"Mais c'est pas un peu glauque, Hélène ?". Peut-être. Peut-être que j'aime le glauque, le "j'aimerais pas trop le voir". Ca me fascine. Dans ma pièce, j'adore jouer la femme dépressive. Péter les plombs sous les projos, ça me procure une sorte de jouissance. And this is alright.

C'est tellement important pour moi de mettre en lumière ces figures plutôt que de les reléguer au fauteuil de la psy ou au thé entre copaines dans un salon. "Cachez moi ces visages que je ne saurais voir !". Ici c'est plein feux sur mes ombres ! Elles sont toutes là, réunies : la dépressive ; celle qui fait des crises d'hystérie ; celle qui contracte un cancer ; celle qui finit en soins palliatifs. Toutes ces femmes sont en moi, je les porte. En les mettant sous les projos, je les honore, je leur donne leur place. Elles ont forgé ce que je suis aujourd'hui.

Au-delà de moi, elles font partie de nos imaginaires collectifs d'humain.e.s.

En les mettant en lumière, c'est comme si je les prenais dans mes bras et les berçais pour leur dire doucement "oui, tu as le droit d'être là, toi aussi." Je m'imagine que cela contribue à une réconciliation. Voir leurs ombres me permet d'intégrer pleinement en moi la joyeuse, l'audacieuse, l'aimante, la puissante.

Alors je me lance dans cette nouvelle (et éternelle) exploration : retrouver la pleureuse, celle qui se lamente. Et on verra bien où elle m'emmènera, mais là, elle me tend la main. Alors, je la saisis.

Maybe moi aussi I'm creepy.

And so, what ???

I am such...

a crazy chicken !



Merci Jérémy Guérard pour le shooting photo !