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(fr) Creative flow est un blog dans lequel j’explore le processus créatif. J’en ai besoin pour avoir plus de force dans mon travail, repousser mes croyances limitantes et juste laisser tout ce flow créatif sortir de moi. Et peut-être aider - ou au moins inspirer- d’autres personnes à en faire de même !

(eng) Creative flow is a blog where I explore the creative process to get more strength in my work, let fall the boundaries I got to let the flow just go. And maybe help -or at least inspire- others to do the same !

Je t'aime, petite vie

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(pour info, ce texte a été écrit avant le re-confinement)

Assise sur la cuvette des toilettes d'un restaurant, masque baissé -histoire de reprendre un peu d'air-, je regarde l'étiquette du flacon en face de moi : bactéricide. Bactéricide, fongicide, insecticide. Le suffixe -tuer s'est disséminé petit à petit dans mon quotidien depuis quelques mois. Il avait déjà pris sa place il y a plusieurs années -voire dizaines d'années- dans l'agriculture, la médecine, dans les livres d'histoire. Je l'avais croisé à plusieurs reprises en me disant qu'il était plutôt à éviter. Depuis quelques mois, il est partout entre nous. A l'entrée des magasins. A la sortie. Entre deux poignées de mains qui ne se font pas. Entre deux regards échangés au-dessus de nos masques.

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Comment en sommes-nous arrivés à arborer Mister Cide partout sur nos bouteilles, sur nos murs ? De nos toilettes à nos bureaux, en passant par le métro ? À cette obsession de tuer le vivant du plus microscopique au plus grand. Du virus au microbe (mot qui signifie d’ailleurs “petite vie”), du microbe au frelon, du frelon au rat, du rat au sanglier, du sanglier au loup, du loup à l'ours, de l'ours à cet autre humain, différent de moi. Un type de vie serait-il plus important qu'un autre ? Ne faisons-nous pas tous partie de la même planète ?

Êtres humains, souhaitons-nous vivre dans un désert ? Désert de caillou. Enlever les mauvaises herbes. Dégager les nuisibles. Bombarder le jardin d'insecticide. Désinfecter pour éviter les champignons. Ratiboiser notre flore intestinale. Désinfecter les surfaces encore et encore. Les mains encore et encore. Les sièges, les peaux, les bouches, les métros. Un désert de tout, un laboratoire désinfecté. Voulons-nous vivre dans un laboratoire désinfecté ?

Tous ces virus sont des parties de nous, pourtant, non ? Voulons-nous éradiquer une partie de nous ?

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Virus, aurais-tu quelque chose à me dire ?

Je crois que les virus, les maladies, les cancers, les insectes nuisibles nous informent sur notre état, notre immunité, notre perception du monde et de nous-même. Les virus sont des signaux. Notre terrain est la clé. Notre terrain, notre immunité.

Je veux changer le sens des mots, pour changer leur perception.

Nous n'avons pas d'ennemis. Nous ne les avons jamais eu. Du plus microscopique, au plus macroscopique. Du plus petit virus, au plus grand être humain. Nous n'avons pas d'ennemis. L'ennemi est celui que nous créons, avec des mots, des expressions, des actions. En allant au front, en partant en guerre, en nous battant contre, en allant vaincre le mal.

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Je veux changer mon regard sur les choses.

Embrasser les parties des autres qui me dérangent. Embrasser les parties de moi qui me déplaisent. Aller voir ce qu'elles veulent me dirent. Embrasser la vie. Embrasser mes virus, mes cancers, mes maladies. Elles disent quelque chose de moi. Puis-je les écouter plutôt que de m'acharner à les combattre ? Puis-je faire la paix avec elles-eux ? Puis-je m'affranchir de ma peur ? Les premières choses qui naissent en moi quand je déclare une maladie, un accident, un virus, sont des pensées de peur. Peur de quoi ? D'où vient-elle ? Ai-je peur de mourir ? Voir mourir mes proches ? Comment puis-je faire la paix avec cette peur ? Peut-être que ce virus est venu nous dire quelque chose sur l'état de la planète, sur notre état à nous, sur l'état de nos sociétés. Nous nous croyons forts, protégés, invincibles. Nous réalisons que nous sommes vulnérables, mortels, humains.

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Peut-être que notre force se trouve dans notre constat. Embrasser notre finitude plutôt que de lutter contre les cheveux blancs, le corps qui vieillit, le cœur qui se fatigue. Nous avons peur et nous sommes prêts à nous cacher dans nos terriers, alors que le vivant continue de vivre, inlassablement. L'oiseau vole, la pluie tombe, le soleil se lève et se couche, les fourmis s'affairent dans leur fourmilière, les cerfs brament. La rivière continue de couler. Qu'un rocher se mette en travers de sa route, elle le contourne. Qu'une usine la pollue, elle continue de couler. Elle vit pour sa mission : couler, encore et encore, ne pas cesser de couler jusqu'à l'océan. Pouvons-nous continuer de tracer notre chemin en embrassant nos virus, nos bactéries, nos maladies, tout comme les émotions agréables ou désagréables qui nous traversent ?

Je crois en la force de mon corps. Je crois en mon immunité. Je crois en la capacité de mon corps à se régénérer par lui-même. J'ai conscience que je suis une être humaine, comme les autres, qui mourra, un jour ou l'autre. Peut-être aujourd'hui, peut être demain, dans 10, ou 60 ans. Je veux vivre pleinement ma vie, chaque jour, peu importe ce qui se présente sur ma route, avec audace, et en choisissant mon degré de mise en danger. Je veux expérimenter par moi-même. Embrasser l'instant, et avoir confiance. M'abandonner.