Guinguette powa

Guinguette powa, j'ai la foi !

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Guinguette powa, j’ai la foi !

Article initialement publié sur le blog de l’Eco-village de Pourgues / sept. 2018

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Maquettes en papier

Je me souviens, c'était à Paris. Il y a deux ans, sûrement. Une grande feuille de papier blanc. Plusieurs cercles concentriques. Et nous imaginions ce que nous voulions mettre dedans. Certains disaient « des poules et des chevaux », d'autres « un jardin potager et des arbres fruitiers au pied desquels on pourrait se hisser et cueillir des fruits juteux », d'autres pensaient à un espace de transformation de légumes. Et je me rappelle avoir posé les mots « guinguette » et « musique » et « danse » et « bar ». J'imaginais déjà les ampoules colorées autour d'une piste de danse, à la nuit tombée.

Avril 2017, on remet ça. Tous à Pourgues ! Notre premier grand week-end ensemble. On l'avait appelé « Tissage de liens » car on ne se connaissait pas encore tous très bien. On avait passé 2 jours à se projeter dans ce lieu rêvé. On s'était déguisés pour les repas. A chaque fois, un papier était pioché et une équipe devait cuisiner sur le thème indiqué. Avec Benjamin et Jérôme on avait décidé de commencer pour « mettre la barre haut ! ». On a transformé la salle à manger en fast-food « Best burger ». On a servi des hamburgers et frites maisons. Je m'étais donné un nom américain à la con et je servais les gens en short et casquette, en criant, d'une voix nasillarde : « Bienvenue chez Best Burger ! ».

Entre les repas à thème, Salma nous avait invité à créer une maquette sur laquelle on posait tout ce qu'on voulait voir à Pourgues. Avec David, à la place de la vieille dalle de ciment, on avait dessiné un bâtiment avec un bar, des gens qui dansaient au rez-de-chaussée, un acrobate sur un monocycle qui roulait sur... une guirlande Guinguette.

C'était juste du papier, du carton, avec des personnages dessinés dessus.

Septembre 2018, je descends la colline pour rejoindre la bâtisse et traverse la dalle. Je passe entre le bar construit en bois et en terre (à droite) et la scène sur la gauche. Après 1 an et 5 mois installés à Pourgues, les guirlandes sont devenues réalité. Nous avons fait notre première Guinguette sur cette même dalle en ciment. Le week-end dernier, il y avait du monde adossé au comptoir ; de la musique et des gens qui dansaient. Il y avait même un spectacle de clown ; des danseurs de tango ; de la relaxation coréenne ; une pièce de théâtre dans le terrain pentu ; un parking rempli ; des centaines de sourires ; et presque 40 bénévoles. En fait, il y avait une vraie Guinguette chez nous !
Et tapez moi la joue, mais j'ai encore du mal à réaliser.

Pourtant, ce n'était pas gagné. Comme dans un jeu vidéo où l'on doit franchir des niveaux, c'était un parcours de sauts d'obstacles d'organiser la Guinguette !

Le papier a commencé à se solidifier avec Benjamin quand on s'est dit « Ouais, on va organiser une Guinguette à Pourgues ! ». On a mis une nappe à carreaux sur la table du salon, servi quelques limonades dans des verres à pieds, suspendu ma guirlande de sphères colorées, joué de la musette dans les enceintes et invité les habitants à partager un verre autour d'un power point aux couleurs chatoyantes.

Comment les choses se créent à partir d'images et de concepts et trouvent leurs solutions naturellement dans la matière ?

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Comment les rêves passent-ils de papier à Guinguette à guincher ?

Moi, je pense qu'il y a un effet boule de neige. On va toujours plus loin, on pose toujours plus d'actes pour que ça prenne forme en vrai. Mais je pense que l'ingrédient essentiel à la réussite est la FOI. C'est la seule chose qui compte vraiment.

Raisonnablement, nous avions toutes les raisons rationnelles de ne pas croire à la Guinguette : pas assez d'argent ; pas les infrastructures ; pas les personnes mobilisées ; pas l'endroit idéal (l'Ariège est un des départements les moins riches et moins peuplés de France, les institutions n'ont pas d’argent, etc, etc.)

Au début, avec Benjamin, j'avais foi en la Guinguette. Et puis, je me suis mise à flipper. « Est-ce qu'on va y arriver ? On va jamais y arriver... Comment je vais trouver des groupes pour jouer alors qu'on n’a pas de budget ? » Rétractation, envie de me cacher dans une grotte. Ensuite, ce sont les autres organisateurs et les villageois qui s'y sont mis. « Euh, on s'y prend pas un peu trop tard ? » et « Y’aura jamais assez de monde ! » et « Un bar sans alcool ? Ça va jamais marcher ! » Questions, questions, peurs, peurs. Ma plus grande peur était le risque financier. Nous risquions de faire couler Pourgues.

Et puis, il y a eu un déclic. J'ai réalisé que le risque n'était pas aussi grand que ce que mon mental voulait me faire croire. Une lampe s'est allumée quelque part dans un recoin de mon cerveau « On peut y arriver ! J'ai confiance absolue ! ». Et alors, je me suis lancée dans le pari, à pieds joints.

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« « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends. » Nelson Mandela »

Cette phrase vient de s'afficher sur mon navigateur. Pile-poil quand je me remets à rédiger cet article. C'est sûr, il n'y a pas de hasard. Même les machines me le rappellent. Ça me fait penser à notre amie Caroline, qui est partie en voyage à vélo en Europe avec ses trois garçons. Elle avait demandé un conseil à un baroudeur : « Que dois-je faire pour que le voyage se passe bien ? ». Il avait alors répondu : « Te mettre en route. Les problèmes apparaîtront au moment venu et les solutions avec. »

C'est à 31 ans que je réalise que la vie, c'est prendre des risques. J'ai toujours eu une peur bleue des erreurs, peut-être à cause de l'école. Depuis toujours, je voudrais que les choses soient structurées dans un beau cadre avec toutes les réponses aux imprévus. J’en ai une image claire et une sensation de contrôle. Ainsi, j’ai souvent préféré rester dans ma zone de confort. C'était plus sécurisant que de tenter un pari, qui selon certains, ne tenait pas debout.

Avec ce projet de village et de Guinguette, quelque chose est en train de basculer en moi. Je comprends l'importance d'oser, même si tous les moyens ne sont pas réunis. La seule nécessité au départ, c'est de croire en son projet, puis d'y mettre toute l'énergie pour le rendre possible. Bien sûr, il y aura des doutes à certains moments. Mais je suis sûre que la vie, par un ensemble de hasards, de réponses et de solutions que je ne peux même pas envisager, va m'aider à le réaliser.

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Quelques exemples Guinguette de la force de la FOI :

Exemple 1 : NOTRE BAR

Notre bar avait été magnifiquement commencé par Maxime et Alexandre qui avaient réalisé la structure en bois, puis le bardage et la couverture du toit. Jonathan avait continué en mettant en place les plans de travail. Il devait partir. Je m'attendais à ce qu'ils ne soient pas terminés pour la Guinguette. Pas grave, ce sera déjà pas mal. Le lendemain, qui débarque à Pourgues ? Adrien, ébéniste de formation. Il prend la relève et termine le bar.

Exemple 2 : LES BADGES

Je voulais à tout prix faire de jolis badges pour les organisateurs. Mais nous n'avions pas le budget pour une plastifieuse. « Je les imprime chez un imprimeur du coin peut-être ? Hum... bon j'attends, au pire, je les ferais avec du carton et de la ficelle ». Renaud arrive en début de semaine pour démarrer l'installation Guinguette : « Mais, moi j'en ai une plastifieuse avec mon asso ! Et puis j'ai même un barnum (j'en avais besoin pour l'espace technique) et des talkie-walkies (pour les parkings) ! ». Euh, pincez-moi encore, j'ai du mal à y croire…

Exemple 3 : ALALA

J’avais découvert un super groupe de musique et je souhaitais les faire jouer pour la Guinguette (pour info il s’agit de Vertical Play, et je compte bien les inviter à un autre moment). Ils m’appellent pour me dire que finalement, ils ne peuvent pas. Zut, bon, je vais trouver autre chose… Comme par hasard, mes amis Alice et Goul du groupe Alala, sont à la maison : « Mais nous, ça nous plairait de revenir pour jouer pendant la Guinguette. En plus on est dispo ce week-end là, on viendra à trois ! » Oaw le pied, et même Mohamed le percussionniste est venu jouer !

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La force du collectif et de Superman

Cela m'amène aussi à parler de la force du collectif, du NOUS. La vie c'est comme une énorme parabole (comme celles pour capter le satellite à la TV). Si tu fais une demande, quelqu'un capte le message quelque part. « T'as besoin de talkie-walkies ? Vas-y j'en ai ! Une guirlande guinguette ? Simon, notre boulanger, en a une ! » Envoyer le message partout, comme quand on distribue des flyers et qu'on colle des affiches. Plus tu envoies le message, plus tu as de chance qu'il soit entendu.

Le collectif apporte des énergies et des idées que je n'avais même pas imaginées. Pour les toilettes sèches, nous allions utiliser les nôtres, rien de plus normal. Jérôme décide de poser un lavabo, et installe les guirlandes sur le chemin : des toilettes de rêve ont éclot ! Jérémy passe des heures à tondre la pelouse autour de la bâtisse. Je n'aurais jamais imaginé un si bel espace d'herbe ! Jérôme improvise un chemin et un théâtre de verdure à la tondeuse, si bien que je m'émerveille de cette ribambelle de gens qui cheminent en serpentant vers Les Crues. Renaud me rejoint pour installer des parasols puis ramener l'eau. Sarra m'aide à installer l'accueil. Liliana est finalement disponible pour aider Salma sur les affichages. Thomas improvise un espace pour les enfants avec des tissus et des coussins, à l’ombre. Là aussi il y a un effet boule de neige. Si je commence à y croire, NOUS y croyons et tout le monde veut jouer à ce jeu où chaque nouvelle pierre enrichit la structure. L'équipe du restaurant qui avait prévu de servir 40 personnes finit par en servir deux fois plus. Au bar, 40 kg de patates passent à 80 kg pour les frites. De nouvelles personnes débarquent à l'improviste pour aider. Elles rejoignent l'équipe accueil qui, comme par hasard, avait besoin de bras. Les exemples sont nombreux et n'ont cessé de m'émerveiller sur le moment venu. L'entraide et l'audace se transmettaient comme un joyeux virus. Je suis tellement pleine de gratitude.

Tout ceci me donne la force de croire en mes rêves. Je peux rêver un projet, le mettre sur le papier, et en moins d'un an cela peut exister. Peu importe les moyens que j'ai en cet instant. C'est inévitable, nous aurons tout ce qu'il faut pour l'accomplir au moment venu ! Faisons confiance aux solutions qui se présenteront sur notre chemin. La vie, l'univers, ou je ne sais quelle force à quel nom -appelons-la Superman- sera là pour nous. Superman sera toujours là pour nous faire réussir. Et notre esprit est bien trop étriqué pour savoir quelles solutions il va nous trouver. Laissons-lui le boulot, et occupons-nous du reste, les réponses viendront !


Credits

texte/photos : Hélène Marquer

cet article a été initialement publié sur le blog de l’écovillage de pourgues à cet endroit